
Sandro Botticelli, vers 1482
Peinture (tempera) sur panneau de bois
203 × 314 cm
Galerie des Offices
Le personnage de Flore jeune fille, à droite en robe blanche, devient l'allégorie de Florence, ville de Botticelli, une fois sa sexualité révélée. Ce sont des fleurs qui sortent de la bouche de Flore, qui se trouve être la nymphe des fleurs (Chloris) des grecs pathetique (agrandir le tableau du cadre en haut à droite), lorsque Zéphyr, dieu du vent, lui souffle dessus, causant un trouble visible dans l'expression du visage, trouble qui va lui révéler sa féminité.
Il faut savoir que l'artiste était aussi connu de son vivant pour peindre de tels motifs floraux sur les robes des riches madones de l'aristocratie florentine, ornementations particulièrement appréciées à l'occasion des fêtes.
Le côté profane et art sacré religieux est mêlé avec cette figure, pour laquelle on ne sait dire s'il s'agit de la Madone, la vierge Marie (ce que l'aura végétale laisse entendre autour de sa tête, telle une auréole), ou du personnage païen qui fit la renommée du peintre: la Vénus en majesté.
Cette subtile confusion fut manifestement voulue par l'artiste, dans la mesure où la Naissance de Vénus, son second tableau, lui faisait face dans la maison du donneur d'ordre où le tableau était exposé.
Le tableau tout entier, et cette figure en particulier, montre que la Renaissance s'affranchit du mode de représentation chrétien ; pour l'instant d'une manière équivoque puisqu'un représentant de l'inquisition ou de l'ordre moral, doutant de l'œuvre, pourrait se voir rétorquer que, sous une certaine forme d'interprétation, le tableau célèbre Marie par la présence de l'auréole végétale, le reste n'étant que licence artistique. L'artiste montre son intelligence et prouve le génie humain en cachant ses messages sous forme iconographique, au mépris de toute tradition héritée de l'ordre qui le précède.
Sandro Botticelli n'a rien représenté au hasard sur cette fresque réservée à un public très intellectuel, jusqu'à la posture prise par les personnages.
L'ange Cupidon, flèche tendue, se trouve au dessus de la figure centrale. Une analyse très particulière du travail de Botticelli, cinq cent ans avant l'avènement de la psychanalyse, révèle des messages dans ce tableau que la bonne morale cléricale de son époque aurait considérablement réprouvés s'il n'étaient, cachés, réservés à un public d'esthètes ou d'initiés :
Amour, Cupidon va tirer sa flèche, c'est ce à quoi l'on s'attend de par la tradition picturale. Ceci correspond à l'idée que l'on se donne du bourgeonnement végétal, sujet du tableau. Les choses se corsent lorsque l'on considère quelle est la direction du tir pour la flèche, rapportée à la forme générale prise par la danse des trois Grâces. Ces dernières ne sont pas à prendre individuellement, mais dans leur ensemble représentant la sublimation de la féminité c'est pourquoi les mains se joignent au dessus d'elles afin de composer cette forme générale. Assimilées à Catherine Sforza les trois Grâces sont représentées comme la Beauté, la Vertu et la Fidelité (renvoyant à la mythologie gréco-romaine).
On peut reconnaître le dieu Mercure grâce a ses trois attributs : le casque d'Hadès, le caducée et les sandales ailées qui font de lui le messager des Dieux Olympiens. Il constitue le gardien du jardin et en chasse les nuages qui risqueraient de l'assombrir : rien, pas même les intempéries, ne doit troubler l'idéal platonique apporté par les personnages-idées placées sur ce tableau.